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1er juin 2021  Archives des actualités

Le Brésil, entre crise sanitaire et crise alimentaire

Alors que le Brésil est ravagé par la crise sanitaire du coronavirus, une autre crise, celle de la faim, n’en finit pas de se propager. Un gouvernement immobile et dans le déni, une population à bout de souffle qui subit des politiques d’austérité à répétition sont venus aggraver la problématique de la faim, déjà particulièrement inquiétante dans le pays. Focus.

Plus de 415.000 personnes sont décédées de la Covid-19 depuis l’arrivée de la pandémie au Brésil. Après avoir nié la gravité de la situation sanitaire pendant plusieurs mois, le dirigeant d’extrême droite, Jair Bolsonaro, a entraîné le retard des plans de vaccination, mettant en danger toute la population. Plus de 3.000 personnes décèdent ainsi encore chaque jour du coronavirus au Brésil, à l’heure d’écrire ces lignes. C’est l’un des taux les plus élevés au monde. Alors que le nombre de cas, encore aggravé avec l’arrivée du variant, explose, le président brésilien n’a pas pris la décision de reconfiner, martelant qu’il souhaite à tout prix « préserver l’économie » de son pays.

Mais, si le gouvernement veut « préserver l’économie », qu’en est-il de la protection apportée à sa population ? Depuis l’arrivée de la crise sanitaire, les personnes pauvres le sont devenues encore davantage. Dans les villes, dans les campagnes, le peuple à faim. Malgré la gravité de la situation, aucune mesure sociale concrète et durable n’a été mise en place pour soutenir celles et ceux à qui la crise sanitaire a fait tout perdre.

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© Pixabay
Le président Jair Bolsonaro a entraîné le retard des plants de vaccination, mettant en danger toute la population.

55 % des Brésilien·ne·s souffrent d’insécurité alimentaire

Depuis 2018, le Brésil - 7e puissance mondiale - doit faire face à une grave crise alimentaire. En 2 ans, 100.000 personnes supplémentaires souffrent de la faim (soit 5,2 millions au total) en raison d’une flambée de la pauvreté et du chômage et de coupes drastiques dans les budgets alloués à l’agriculture et à la protection sociale. De cela, le gouvernement Bolsonaro est responsable.

Si de nouveaux programmes pour établir une souveraineté alimentaire avaient pu voir le jour dans le pays ces dernières années, la grande majorité d’entre eux sont aujourd’hui en danger. Faute de choisir le droit des peuples à disposer de leurs terres et de leurs ressources, en priorisant l’accès aux terres les plus fertiles aux investisseurs de l’agrobusiness étranger, le gouvernement Bolsonaro a condamné les paysannes et paysans, mais aussi les personnes vivant en ville, à la faim. Car, en plus de ne pas nourrir les communautés, l’agriculture intensive des investisseurs
étrangers - privilégiée par le président - entraîne un impact fort sur la vie sociale des Brésiliens et Brésiliennes. L’augmentation des coûts des matières premières leur rend plus difficile encore la possibilité de se nourrir et de nourrir leurs familles. Au total, en 2020, plus de 55 % [1] de la population souffre d’insécurité alimentaire, cela représente près de 20 millions de personnes qui souffrent de la faim. En moins de 2 ans, 8 millions de personnes sont venus grossir ces chiffres déjà alarmants.

La pandémie accroît la pauvreté… et la faim

La pandémie du coronavirus est venue s’ajouter à une situation déjà alarmante,
entraînant une hausse subite de la pauvreté et de la faim dans le pays. En effet, la crise du coronavirus a rapidement aggravé la crise économique déjà présente dans le territoire. Les mesures mises en place pour contenir la propagation de la Covid-19 ont fragilisé encore davantage de travailleurs et travailleuses pauvres (souvent du secteur informel) dans les villes, et les paysans et paysannes des zones reculées. Sans filet de sécurité, sans épargne pour survivre, ces personnes ont souvent tout perdu du jour au lendemain.

La crise provoquée par la pandémie est venue exacerber la situation d’insécurité alimentaire dans laquelle se trouve plongé le pays tout entier. « Le premier effet concerne la qualité de l’alimentation en général : la population consomme moins de produits sains et plus d’aliments transformés. Le second effet concerne la réduction de la quantité d’aliments auxquels les couches les plus pauvres ont accès. Sur place, les associations, la société civile, revendiquent des politiques de long-terme et non d’urgence qui permettent de garantir le droit à une alimentation saine pour toutes et tous », rappelle l’ONG internationale ActionAid, dans un récent rapport.

Si le gouvernement du président Bolsonaro a un temps versé des allocations à près d’un tiers des Brésiliens et Brésiliennes les plus pauvres, rapidement, ces « aides d’urgence » de 600 réais (environ 90 euros, ndlr) ont été réduites de moitié (en septembre dernier), puis les versements ont cessé à la fin de l’année 2020. « L’aide du gouvernement est ridicule, on ne peut même pas acheter le minimum aujourd’hui au Brésil avec l’inflation des prix des aliments. Les familles n’arrivent pas à survivre pendant cette pandémie », alerte Gabriel, membre du Mouvement des Sans-Terre
(MST).

Ainsi, depuis plusieurs semaines, les files devant les points de distribution de colis alimentaires sont gigantesques. Certains font des queues de plusieurs heures pour obtenir une assiette avec un peu de riz et de sauce. Pour la majorité d’entre eux, ce repas sera le seul et l’unique de la journée. Sans aide sociale structurelle, ces personnes ne peuvent sortir la tête de l’eau.

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Dans les campagnes, comme dans les villes, la Covid-19 impacte fortement les populations.

Agir face à la crise : la Commission Pastorale de la Terre de la région Goiás se mobilise

Le Brésil est considéré depuis plusieurs années comme un pays émergent. Pourtant, les orientations ultralibérales adoptées par le nouveau gouvernement ont creusé les inégalités. La richesse est concentrée au sein d’une petite élite, alors que de plus en plus de Brésiliens et Brésiliennes doivent vivre dans la pauvreté. La Covid-19 a renforcé cette situation. Et la crise de la faim a ainsi explosé. Celle-ci pourrait s’avérer particulièrement meurtrière dans l’État de Goiás, situé dans la région Centre-Ouest du pays. Selon le gouverneur de cet État, plus de 2 millions de personnes (sur une population de 7 millions) sont en insécurité alimentaire suite à la crise de la Covid-19. Dans ce contexte, le renforcement de l’agriculture familiale dans la région pourrait constituer la solution.

Pour faire face à cette crise, notre partenaire historique, la Commission Pastorale de la Terre de la région Goiás (CPT Goiás), est fortement mobilisé. Sa mission ? Réduire le nombre de victimes de la faim, dont le nombre augmente chaque jour à cause de la Covid-19. Grâce au travail essentiel de la CPT Goiás, pas moins de 18 communautés regroupant quelque 2.700 paysans et paysannes seront soutenues. Ces communautés sont situées dans les six diocèses où la CPT Goiás est active : Formosa, Goiás, Uruaçu, Goiânia, Ipameri et São Luís dos Montes Belos.

Pour renforcer la sécurité alimentaire de ces populations, la CPT Goiás s’appuie sur 3 axes : renforcer la production agricole et créer des banques de semences qui permettront aux populations de gagner en autonomie, récupérer et préserver les sources d’eau afin de fertiliser les terres dans le but d’accroître la production de nourriture, se réunir pour avoir plus de poids auprès des autorités et renforcer la vente directe des produits et ainsi éviter une grave crise de la faim. Des actions concrètes et durables entreprises par la société civile qui permettront aux Brésiliens et Brésiliennes de cette région du pays de sortir durablement de la faim.

Les chiffres de la faim au Brésil

  • 55 % des Brésilien·ne·s souffrent d’insécurité alimentaire.
  • 43,1 millions de Brésilien·ne·s étaient en état d’insécurité alimentaire en 2019 selon la FAO.
  • Le coût des aliments a augmenté de 20 % en 2020.
  • 74 % des personnes de référence des foyers en état d’insécurité grave sont des personnes noires et 52 % sont des femmes, selon l’Institut Brésilien de Géographie et Statistiques (IBGE).


[1Source : Réseau brésilien de recherche en souveraineté et sécurité alimentaire (Pensann)



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