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27 janvier 2015  Archives des actualités

Brésil

Appréhension dans le monde rural

Il y a un mois, Kátia Abreu a été nommée ministre de l’Agriculture, de l’élevage et du ravitaillement au Brésil [1].

Cette nouvelle ministre, représentante de l’agrobusiness, a de quoi provoquer l’appréhension des partenaires d’Entraide et Fraternité et de l’ensemble des petits paysans du pays.

Voici une description de la nouvelle ministre, dressée en 2013 dans un article de Tomás Balduino paru le 23 janvier 2013 dans le Folha de São Paolo.

Les dirigeants du monde rural et indigène sont préoccupés par le pouvoir de Kátia Abreu et par son rôle dans la démarcation de terres au Brésil. Voici un exemple : Juarez Vieira, petit agriculteur de la ville de Campos Lindos, dans l’état du Tocantins, a été expulsé de sa terre en 2002, par 15 policiers commandité par Kátia Abreu. Sous la pression des militaires, Juarez a dû partir avec sa femme et leurs dix fils, en direction de la périphérie d’une grande ville.

Ce cas n’est pas isolé. En 1996, le gouverneur Siqueira Campos, a décrété d’« utilité publique » un secteur de 105 mille hectares à Campos Lindos. Or par après, en 1999, des exploitants ont pu acheter là des aires de 1.2 mille hectares, pour 8 reales l’hectare. La liste des « heureux élus » fut préparée par la Federação da Agricultura e Pecuária do Estado do Tocantins - Fédération de l’Agriculture et de l’Élevage du bétail de l’État du Tocantins – alors présidée par Kátia Abreu (PSD-To), députée fédérale pour ex-PFL. Son frère, Luiz Alfredo Abreu, a obtenu là une terre. Emiliano Botelho, président de la Companhia de Promoção Agrícola - Société de Promotion Agricole – a obtenu 1.7 mille hectares.

Juarez n’a pas été la seule victime de ces injustices. Plusieurs familles ont également été expulsées des terres qu’elles occupaient et travaillaient depuis plus de 40 ans. Campos Lindos, tellement jolie auparavant, est devenu une triste monoculture de soja, subissant la destruction du Cerrado pour l’enrichissement d’une petite minorité. Sur la Carte de la Pauvreté et de l’Inégalité, divulguée en 2007, la ville est apparue comme la plus pauvre du pays. Selon l’IBGE [2], 84% de la population y vit dans la pauvreté, dont 62,4% dans la grande pauvreté.

La société d’un autre frère de Kátia Abreu, André Luiz Abreu, a été engagée dans le travail esclavagiste et la traite d’êtres humains. La Superintendência Regional de Trabalho e Emprego do Tocantins - Surveillance Régionale du travail et de l’emploi du Tocantins – a en effet libéré, dans les exploitations d’eucalyptus et des charbonneries de sa propriété, 56 personnes vivant dans des conditions dégradantes de travail forcé et de servitude pour dettes.

Auprès des peuples indigènes du Brésil, Kátia Abreu, alors sénatrice de l’État du Tocantins et présidente de la CNA (Confederação da Agricultura e Pecuária do Brasil - Confédération de l’Agriculture et Élevage du bétail du Brésil), a eu une sinistre et désastreuse interaction. En effet, elle a fait du lobbying auprès du gouvernement fédéral pour s’assurer que les conditions imposées par la cour Suprême dans le jugement du litige territorial du secteur indigène Raposa Serra do Sol, réduisant les droits fonciers, soient de facto élargies à toute demande de démarcation territoriale. Ce qui réduit la prise en compte des priorités et intérêts des peuples indigènes.
Avec le lobby ruraliste, elle a fait pression sur l’Advocacia-Geral da União (AGU) - Avocat-conseil General fédéral - et spécifiquement le ministre Luís Inácio Adams. Preuve de cela en est l’audience à l’AGU, en novembre 2011, où elle a livré, au côté du sénateur Waldemir Moka (PMDB-MS), un document proposant la création de normes sur la démarcation de terres indigènes dans tout le pays.

Le ministre Luís Adams s’est laissé prendre et a signé le désastreux arrêté nº 303, du 16 juillet 2012. Kátia Abreu, à la prise connaissance de cet acte, a exulté joyeusement : « Avec ce nouvel arrêté, le ministre Luís Adams a montré de la sensibilité et permet au monde rural brésilien un nouvel espace de sécurité juridique ». Et concernant la terre immémoriale du peuple Xavante de Marãiwatsèdè, au nord de Mato Grosso, qui a gagné dans toutes les instances judiciaire la reconnaissance de leurs terres indigènes, Kátia Abreu a signé une note, comme le président de la CNA, en traitant les indiens d’« envahisseurs ».

Pour conclure, les dirigeants du monde rural et indigène sont très préoccupés de l’actuel pouvoir économique et politique, représentant d’une classe, concentré et cruel détenu par cette femme, ministre de Dilma Rousseff. Et s’ils demandent : « N’est pas cela le Pouvoir du Mal ? » Dans l’Évangile, Jésus a enseigné aux disciples à affronter le Pouvoir du Mal, en leur recommandant : « Cette espèce de Pouvoir s’affronte seulement par la prière et par le jeûne » (Cf. Mt 17.21).

Originaire de Goiás, co-fondateur de la Commission Pastorale de la Terre et du Conseil missionnaire indigène, Tomás Balduino est décédé le 2 mai 2014 - il était maître en théologie, évêque émérite de la ville de Goiás et conseiller permanent de la Commission Pastorale de la Terre



[1Le Brésil a deux ministères de l’agriculture : le Ministère de l’Agriculture, de l’élevage et du ravitaillement qui défend le secteur de l’agro-industrie, et le Ministère du Développement agraire, en charge de l’agriculture familiale et de la réforme agraire.

[2Instituto Brasileiro de Geografia e Estatística - Institut brésilien de géographie et de statistique



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